Nos textiles

Equitable ? Quelques clés

Depuis les années 60, les associations écologistes et celle des pêcheurs s’insurgeaient contre la pollution des rivières par le traitement des peaux, des textiles et pire encore des teintures, pour ne parler que de ce qui nous intéresse ici.

Il nous fallait donc des vêtements en fibre naturelle non traités  c’est  à dire :

Conservées dans leur structure d’origine  (voir les qualités de la laine plus loin)

Des vêtements qui ne nous rendent pas malades à cause des substances chimiques avec lesquelles on les traite.

Protéger l’environnement de ces produits dangereux. Le premier exemple tout simple étant de blanchir la laine à l’eau oxygénée au lieu d’utiliser du chlore et laisser le coton écru, blanchir au fil des lavages.

C’est dans un second temps, début des années 80, que grâce au développement du nombre de consommateurs bio, des sociétés telles que Rapunzel, achetant des fruits secs en Turquie, à des prix déjà équitables, décident d’acheter à l’avance, des récoltes de coton que l’on intercalerait entre les saisons d’autres cultures bio. C’est aussi une autre compagnie allemande qui soutient, en Egypte, les premiers pas de culture biodynamique du coton, et une compagnie de grands magasins qui fait pareil en Afrique. C’est le WWF qui soutient des opérations telles que la mise en culture bio du ver  à soie en Chine. Peut-on trouver une attitude plus éthique que ces courageuses opérations pionnières ?

Les allemands ont été les premiers champions du vêtement bio : ce sont des entreprises familiales de tricot, de confection, de tissage, filage, coloration naturelle, une fabrique de soutiens-gorge qui ce faisant ont survécu aux premiers bouleversements économiques liés à la mondialisation. Première opération équitable : ils sont allés payer un bon prix, les matières nobles, récoltées la plupart du temps à la main, ce qui permettait la préservation de la vie économique et de la santé dans ces régions. Et du même coup ils préservaient leur outil de travail en Europe. La mondialisation a touché à leur tour ces entreprises. Les ouvriers partaient en retraite, les machines devaient être remplacées par du matériel performant. Alors que le travail de ces fibres avait redémarré en Europe dans les années 90, il n’est plus envisageable de mettre en œuvre les opérations de filage, tissage des fibres telles que celle du chanvre et probablement du lin, pour des raisons de techniques demandant de trop gros investissements. La production est entièrement assurée aujourd’hui par la Chine.

C’est d’abord principalement vers la Turquie, que des entreprises de confection de sous-vêtements en coton« bio » importantes se sont tournées

Les français ont été parmi les premiers à prêter l’oreille aux arguments du commerce équitable. Peut-être se sentaient ils plus solidaires des récoltants de café d’Afrique ou d’Amérique du Sud, un avatar de leur atavisme pour les droits de l’homme. Les réactions n’avaient pourtant pas été massives face à la casse de l’industrie textile en France et aux dilapidations éhontées des finances publiques. Tout le monde était bien trop affairé à courir les soldes et les réductions de prix. Ont pris leur essor, dans les années 80, les chaînes de magasins de vêtement ou de chaussures, qui se sont approvisionné dans les pays émergents. Les consommateurs ont en bien profité, ce qui a fini de liquider toute idée de production en Europe. Les grossistes, les grandes enseignes de la vente par correspondance, les supermarchés ont très vite emboîté le pas. Avez-vous constaté un baisse des prix de vente au moment où la production textile s’est installée dans les pays « émergents » où les salaires sont de 10 à15 fois inférieurs à celui de l’ouvrier européen ?

A Fibris, à partir des années 98, 2000 et du départ de la production vers ces pays, les prix ont baissé de 30 à 40%, spécialement ceux des sous-vêtements en coton bio, et n’ont pratiquement pas bougé en 5 voire 7 ans. Le commerce du vêtement bio a une éthique de militante.

Petit rappel : les soldes servent au commerçant à liquider le stock d’articles qui n’ont pas été vendus, la saison passée. Il s’agit pour lui, deux fois par an, d’essayer de payer ses charges, de compenser des pertes financières. Si les prix pratiqués sont justes, on ne peut pas lui demander de vendre au rabais. Je considère qu’il est malhonnête de la part des médias d’entretenir l’idée que les soldes sont un élément positif d’enrichissement personnel ou de lutte contre la pauvreté, un peu comme le seraient les loteries. Les responsables politiques devraient repérer leurs paroles sur des considérations éthiques.

Alors qui a emboîté le pas du mot d’ordre équitable, ce sont des voyageurs à l’âme commerçante, les mêmes qui vendaient des bijoux et de l’encens sur les marchés dans les années 70. Ils se sont mis à vendre du vêtement indien et lui ont collé l’étiquette « équitable ». Ces commerçants sont les seuls à pouvoir apprécier en quoi leur échange est équitable. Le commerce équitable est tout simplement le fruit de la qualité des relations commerciales que ces entreprises réussissent à établir avec des entreprises de confection ou des communautés artisanales. Quand l’artisan est pauvre et qu’il n’a pas le soutien logistique pour vendre sa production, il est plus facile de discuter son prix de vente. Parce qu’on souhaite pérenniser la relation commerciale, on est prêt à faire un effort supplémentaire pour l’aider. Ce cas de figure se trouve dans certaines régions de l’Inde ou du Pérou. Il n’en va pas de même quand on a en face de soi une entreprise à structure capitaliste, c’est-à-dire peu de financiers ayant réalisé de gros investissements et comptant sur une main d’œuvre sous payée pour réaliser des bénéfices.

Ces voyageurs, donc,  ont été suivis par des stylistes, qui ont eu la seule idée qui vaille, aller faire fabriquer là où sont les entreprises, les vêtements qu’elles veulent voir exister, commercialiser. C’est ainsi que les plus sérieuses rejoint le commerce déjà un peu établi du vêtement bio et ont fait l’effort de créer à leur tour des vêtements bio. Replacer l’homme au centre de sa vie, afin qu’il puisse maîtriser sa vie de travailleur de producteur, qu’il soit capable de donner aux siens les moyens de vivre décemment et sainement : cela a toujours fait partie de l’éthique écologiste.

On peut penser, dans un premier temps, que la mention « équitable »  est une étiquette qui devrait être brandi pour tenir tête à celles de la grande distribution. Car on connaît bien leur politique d’écraser les prix de revient et la qualité nutritionnelle qui va avec. Il s’agirait alors de les contraindre à ne pas être trop gourmands : ne pas dépasser un coefficient raisonnable entre prix d’achat et prix de vente. Où en sommes nous par rapport à ce but ? Il est bien difficile de répondre. Tout au plus pouvons nous espérer que, tout du moins dans la filière des maraîchers bio, ceux qui pratiquant la vente directe, par exemple, pratiquent, des prix « éthique », recherchant un revenu raisonnable. On peut supposer que les maraîchers, comme les artisans alimentaires, ne font rien d’autre que copier les prix  pratiqués par les supermarchés, quelque soient les prix de revient de leurs produits. Personne ne dispose d’informations claires pour comprendre pourquoi le prix d’un jus de fruit ou d’une confiture bio, vendu directement sur le marché, est beaucoup plus élevé que celui pratiqué  par un centre commercial, qui lui a des frais fixes importants : le coût de l’emploi, de l’administration, sans oublier celui de l’immobilier.  Oui ne faudra-t-il pas parler bientôt de l’inflation effrénée, sans contrôle du prix de l’immobilier, qui influe sur le budget de celui qui est prêt à tous les abus pour pouvoir rester solvable ? La seule manière équitable qui vaille est celle qui consiste à rendre transparents, les comptes des entreprises : les banques et les multinationales comme celles des petites, les comptes des artisans comme ceux des dentistes. Et la première opération éthique qui devrait être réalisée, serait un juste contrôle des prix, qui tempère les dérives et les excès liés à la libération des contraintes d’un marché, d’une économie locale.

Commerce équitable et mondialisation.

Parmi les organismes mondiaux, c’est le FMI qui pourrait avoir une action positive sur l’économie des pays qui en ont le plus besoin par les prêts qui sont octroyés. Bien que disposant d’énormes moyens de recherche, il est incapable de prendre les bonnes décisions, n’employant que des économistes qui ne peuvent prendre en compte les réalités politico-économiques de ces pays. Les décisions sont influencées et explicitement orientées par les pouvoirs politiques. « Durant les années 90 en Russie, les pressions politiques du G7 ont forcé la Banque mondiale à accorder des prêts, qui n’ont jamais été utilisés (mais pour lesquels la Russie paie des intérêts), et poussé le FMI à fermer les yeux sur les échecs dans l’atteinte de ses objectifs. Les projets de la Banque Mondiale sont quelquefois guidés en sous-main par des accords en amont sur des  contrats passés entre de grandes firmes soutenues par des gouvernements et des emprunteurs puissants » d’après WOODS, une experte du FMI à l’Université d’Oxford. Il faudra une volonté forte des grands états de la planète pour mettre la banque mondiale au service de l’aide aux pays les plus pauvres. Il faudra aussi qu’existe un organisme mondial qui prenne des décisions sans parti pris au sujet de ces batailles économiques à coup de subventions, qui protège les états et leurs économies vivrières contre le pouvoir des compagnies de graines OGM.